Gérer sa colère par les mains
Jul 25, 2021La colère est une émotion visible qui ne laisse personne indifférente. Elle peut être imprévisible autant chez la personne qui la ressent que celle qui la subit. Tout le monde peut se sentir frustré à un moment ou à un autre de sa vie, puisque la frustration est une émotion lente qui provient de l’intérieur de soi. La colère, quant à elle, est une émotion rapide et beaucoup plus agressive que de la simple frustration. Hurler, crier, frapper, lancer des objets sont des exemples de comportements colériques. Chez les enfants, « faire le bacon » au sol, s’arracher des cheveux, se cogner la tête et se faire vomir sont aussi des réactions visibles de la colère.
Face à de telles situations, un parent a pour réflexe de dire « calme-toi » à son enfant. Or, ces deux mots sont insignifiants pour la plupart des enfants. Est-ce qu’on a appris à notre enfant à marcher en disant « marche », à parler en disant « parle », à attraper la balle en disant « attrape »? Bien sûr que non! Nous avons été un modèle d’une part et nous avons montré à notre enfant comment faire telle action ou prononcer tel mot d’autre part. Pourquoi nous ne procédons pas de la même façon avec la colère?
La poussière de fée
Notre enfant est notre « bulletin » de parent. Quand il se comporte bien, nous en sommes fiers. Cependant, lorsque notre progéniture fait les 400 coups au centre commercial, nous ne tardons pas à ressentir un malaise face aux jugements des autres. À la maison, on va gronder notre enfant parce qu’il n’a pas agi parfaitement selon nos attentes et celles de la société. Alors, dès que notre enfant fait une crise de colère, nous désirons une solution rapide. On souhaite prononcer la formule magique « calme-toi » comme si nous répandions une poussière de fée sur notre enfant et qu’il se mettra en mode zen en quelques secondes. Pourquoi cette poussière est-elle inefficace? De la même manière qu’on a prononcé 1000 fois le mot maman pour que notre enfant réussisse à le dire, la poussière de fée peut fonctionner si on met en place quelques étapes au préalable. Pour que la magie se produise, il faut travailler en dualité avec les épisodes colériques de notre enfant et ses moments de calme.
Les situations de colère
Avant d’être capable de dire maman, notre enfant a entendu ce mot des milliers de fois. Ainsi, pour que notre enfant puisse gérer sa colère, il doit apprendre à associer ses réactions à cette émotion. Il y aura donc la première étape d’identifier la colère en la nommant. Peut-être ce premier conseil semble banal, mais reconnaitre une émotion signifie qu’on la laisse vivre. Accepter notre ressenti, c’est se connecter à soi. En refoulant la colère avec l’emploi à outrance de la formule magique « calme-toi » ou « tais-toi », nous causons des dommages psychologiques pour le futur de notre enfant, car il n’aura pas appris à gérer ses réactions spontanées face à la goutte qui fait déborder le vase! Chaque épisode de colère est une situation d’apprentissage où nous pouvons verbaliser à l’enfant « tu ressens de la colère », afin qu’il associe ce sentiment à ses réactions. Après plusieurs répétitions, il va peut-être même prendre les devants de l’adulte et crier à voix haute « je suis en colère là ».
*** Mise en garde dans un événement de colère : Acceptez ce qui est dans l’instant présent en tant qu’émotion, mais n’acceptez pas de gestes violents et ne les excusez pas. S’il y a présence de violence, mentionnez à l’enfant : « Tu ressens de la colère et tu as le droit, mais je n’accepte de recevoir des coups de poings dans le ventre ». Il en est de même pour la violence envers la fratrie : « Tu ressens de la colère et c’est OK, mais je n’accepte pas que tu lances ton jouet à ta sœur ». ***
Les situations de colère sont nécessaires pour observer notre enfant dans le but de mieux le guider dans la gestion de ses émotions. Quels sont les événements qui déclenchent la colère? Est-ce qu’il y a des moments de la journée qui sont plus propices aux crises? Est-ce que mon enfant avait faim, soif, besoin de sommeil, de câlins, etc.? Est-ce qu’il y a des signes physiques que je vois juste avant que mon enfant explose? Les observations d’un parent comptent beaucoup dans l’éducation d’un enfant. Un enfant ne maitrise aucunement la pleine conscience. Il ne prendra pas un temps d’arrêt de jeu en disant qu’il va méditer dans sa chambre sur ce qui le met en colère et sur les signes précurseurs qui indiquent que la lave du volcan jaillira sous peu! Le parent est le guide qui le conduira à prendre conscience de ses émotions et ses comportements. Cet accompagnement sera encore plus bénéfique en mode « parentalité positive ». Nul besoin de préciser ici que si l’enfant se met en colère et que le parent se met aussi dans cet état, une escalade d’agressivité s’enchaine qui mènera à la violence. Or, éduquer notre enfant en se servant des situations de colère n’est pas optimal si nous n’utilisons pas les moments d’accalmie pour enseigner et pratiquer des outils en gestion d’émotions.
Les moments d’accalmie
Nous devons bénéficier des moments de calme pour bien outiller notre enfant dans la gestion de ses émotions positives et négatives. C’est dans ces instants que nous lui enseignons comment réagir à la poussière de fée pour qu’il passe à l’action lorsque nous prononcerons la formule magique « calme-toi ». Divers moyens peuvent être modelés à son enfant pour gérer sa colère : crier dans un oreiller, s’isoler dans sa chambre, faire la tortue (se coucher la tête entre ses bras sur une table), écouter de la musique, prendre de profondes respirations, demander un câlin (ça peut paraitre paradoxale, mais parfois donner de l’amour apaise la colère d’une personne), dessiner sa colère, chiffonner du papier, se mettre dans la posture de l’enfant (posture de yoga) et utiliser l’énergie de ses mains. Certains frotteront leurs mains pour calmer leur colère, parce que les mains sont source d’énergie. Ce qui est intéressant à apprendre à un enfant et très pertinent pour contrôler l’agressivité, c’est la mudra de la colère.
L’énergie des mains
Ma fille est devenue une experte en gestion de la colère. Elle a essayé tous les trucs inimaginables pour mieux se canaliser, puisqu’elle-même était malheureuse de ne pas se contrôler et faire du mal aux autres. Rosalie voulait réellement s’améliorer et elle verbalisait vouloir travailler sur son comportement. Elle m’a demandé des nouveaux trucs jusqu’au jour où je lui ai présenté la mudra de la colère. Là, il y a eu un déclic. Selon ma fille, c’est l’outil qui fonctionne le mieux. Pour reprendre ses propos, la colère qui monte à l’intérieur de son corps est tellement forte et rapide comme un volcan qui explose soudainement, qu’elle n’a pas le temps de prendre conscience qu’elle fait du mal aux autres. Par conséquent, elle doit utiliser un moyen qui s’applique dans l’immédiat et qui canalise l’énergie en un tour de main tel que la mudra de la colère. Il est à noter un fait intéressant dans les propos de ma fille : je ne lui ai jamais enseigné l’image de la colère comme un volcan qui s’active. Dans mon cadre professionnel soit en tant qu’intervenante en délinquance soit en tant qu’enseignante je le faisais, mais dans mon rôle maternel, je n’ai aucunement évoqué cette représentation visuelle. La première fois que Rosalie m’a parlé de ses émotions, en les comparant à un volcan, j’étais bouche bée. Depuis plus d’un an je travaillais en dualité avec les épisodes de colère et les moments d’accalmie pour l’amener à s’auto-observer sur les éléments déclencheurs de la colère ainsi que sur les signes précurseurs qu’elle sentait monter à l’intérieur de son corps. Enfin, après plusieurs mois à pratiquer la gestion de la colère, je constatais une évolution. Elle était maintenant en mesure de ressentir la colère et de la stopper avec l’énergie de ses mains.
La mudra de la colère
Qu’est-ce qu’une mudra? Une mudra c’est du yoga des doigts. Chaque doigt de la main correspond à un centre énergétique du corps humain. La mudra de la colère peut se réaliser de diverses manières. Il existe plus d’une mudra pour cette émotion et différentes variantes pour chacune d’elles. La mudra qui amène une énergie puissante pour gérer une forte colère, selon mon experte Rosalie, est la Mushti mudra qui signifie le geste de la force. Cette mudra permet de contrôler et de conserver l’agressivité à l’aide de nos poings. Nous ne nous servons pas de nos poings pour faire du mal aux autres, mais nous utilisons nos mains pour faire du bien à soi en emmagasinant l’énergie de la colère dans le bas du corps. Au lieu que la colère monte à l’intérieur de nous et nous fasses perdre la tête, nous l’empêchons de s’élever. Ce n’est plus la colère qui nous maitrise, car nous devenons maitre de notre colère. Comment réaliser Mushti mudra* selon mon experte de la gestion de la colère?
- Mettre les pouces à l’intérieur de nos mains
- Fermer les autres doigts sur le pouce
- Serrer les poings
- Déposer ses poings sur ses cuisses/genoux ou les laisser en suspens
- Inspirer et diriger la colère dans nos mains (visualiser que nous envoyons toute l’énergie de la colère à l’intérieur de nos poings)
- Expirer en ouvrant la main, tout en imaginant que la colère s’est dispersée
- Recommencer si besoin
*Je précise que la méthode est celle proposée par ma fille, car Mushti mudra peut s’appliquer avec des variantes telles que les pouces sur les doigts ou les poings conservés au niveau des épaules. Ma fille préfère garder les pouces à l’intérieur de ses poings, étant donné que ça lui permet de tenir ses pouces très fort et ça réduit l’envie de frapper ou de prendre un objet pour le projeter. Il y a une plus grande rétention de l’énergie en tenant fermement les pouces selon son expérience.
Il est possible aussi qu’à la cinquième étape, les poings se serrent davantage, puisque la colère est envoyée dans les mains. Il ne faut pas s’inquiéter et laisser le processus se dérouler. Pour voir des résultats concrets dans le quotidien, la solution est de pratiquer. S'exercer régulièrement avec notre enfant dans des moments de calme, parce que l’enfant apprend énormément par imitation. Pratiquer la mudra de la colère partout pour montrer à notre enfant que c’est un outil qui peut recourir en tout temps et à n’importe quel endroit dans le monde : dans la voiture, au parc, chez les grands-parents, à la crémerie, au centre commercial, etc. Ce sera sous forme de jeu que nous présenterons cette mudra dans un premier temps et, dans un second temps, Mushti mudra sera appliquée dans un élan de colère pour l’apaiser.
Mushti mudra : la poussière de fée
Notre enfant connait maintenant un outil pour gérer sa colère : Mushti mudra. Est-ce qu’il va l’employer systématiquement quand il se sentira en colère? La réponse est variable pour chaque individu. Néanmoins, le meilleur conseil que je puisse partager est de pratiquer régulièrement Mushti mudra et de rappeler à notre enfant d’utiliser cet outil dès qu’il sent la colère monter en lui. Pour que notre enfant ait le réflexe de gérer sa colère, il faut en développer une habitude. Une seule action par jour, chaque jour, créera une nouvelle habitude. La formule magique pour aider notre enfant à mettre en application son outil sera : « fais la mudra de la colère ».
Si nous observons que le contrôle de la colère de notre enfant est encore très difficile à obtenir, nous nommerons une seule étape à la fois (les étapes 1 à 6 énumérées précédemment pour réaliser Mushti mudra). Un jour, après plusieurs mois et peut-être quelques années, il y aura un automatisme qui sera mis en place. Notre enfant aura développé un réflexe de stopper sa colère à l’aide de Mushti mudra aussitôt qu’il sentira sa colère émerger en lui. La poussière de fée pourra possiblement être efficace, vu que notre enfant comprendra que « calme-toi » signifie d’utiliser son outil de la gestion de la colère.
La patience est de mise lorsque nous voulons que notre enfant devienne autonome pour gérer sa colère. Cependant, même si cela prend maintes années à se réaliser et ne sera jamais complètement parfait, un enfant que nous outillons à gérer sa colère deviendra un adulte qui sait apprivoiser ses émotions, tout en étant pourvu d’un bagage immense de bouée de secours pour les maitriser. Vaut mieux apprendre à contrôler son agressivité tôt que détruire autrui plus tard. Vaut mieux apprendre à se servir de l’énergie de ses mains que d’employer la facilité de l’utilisation de ses poings!
Pour expérimenter davantage les mudra, voici mon livre coup de cœur :
Juliette Dumas et Locana Sansregret (2019). Mudra, Le yoga des doigts, des gestes simples et bienfaisants, Paris, Flammarion.
Pour visionner la vidéo dans laquelle ma fille et moi présentons la mudra de la colère :